Lean management : exigences-ressources, la performance économique et sociale de l’entreprise

A la recherche permanente d’amélioration de leurs performances économiques, des entreprises cherchent à mettre en place dans l’organisation de travail des innovations telle le lean management. Cette méthode, issue du toyotisme, est centrée sur l’élimination des gaspillages et la qualité irréprochable. En se basant sur le modèle « exigences-ressources au travail », l’une des théories de la santé psychologique au travail, cet article aborde la problématique d’inconfort psychologique au travail lors de la mise en place de lean management et les pistes des ressources de la santé des professionnels.

Quant au lean management, des experts parlent souvent du stress et de la souffrance au travail, s’appuyant sur des nombreuses études. L’une d’elle, collectant les données de 206 entretiens individuels semi-directifs et 444 réponses à une enquête auprès de managers sur des sites industriels, constate des situations différentes par rapport à la présence d’espaces de discussion et l’absentéisme comme indicateurs de santé et le turn-over comme indicateur de bien-être. Lorsque les espaces de discussion sont inexistants ou défaillants, le rôle des managers demeure limité au soutien technique. Les opérateurs ressentent une souffrance psychologique liée au manque de pouvoir d’action. Leur rôle est réduit à l’exécution dans le cadre d’une standardisation organisationnelle, tandis que le contrôle-vérification est perçu comme un fardeau alourdissant et compliquant l’exercice de leur travail. Dans ce contexte, les employés entreprennent toutes sortes de « débrouillardise » pour préserver leur autonomie et la maîtrise de la variabilité d’activité opérationnelle.

De nombreux autres chercheurs soulignent que des organisations qui ont recours au lean mangement actionnent parfois un modèle trop techno-centré, où il manque un équilibre dans l’arbitrage entre les moyens instrumentaux et le confort psychologique des salariés. Cette incohérence induit une tension psychologique forte pouvant se traduire par une dégradation de la santé des salariés, un épuisement professionnel, un absentéisme accru, et au final des pertes économiques pour l’entreprise. Les actions qui prennent en compte l’humain dans le tissu organisationnel permet d’éviter ces problèmes.

Le soutien par la hiérarchie et les collègues protège les salariés des situations stressantes et évite une charge de travail importante par l’entraide, facilitant ainsi l’atteinte les objectifs. La participation à la prise de décisions, le feedback sur le niveau de performance et les espaces de discussion permettent aux différents acteurs de communiquer, d’échanger leur point de vue ainsi que de prendre part aux processus de décision. Cette interaction est primordiale pour redéfinir certains contours de la stratégie ainsi que la compréhension des axes stratégiques pour mieux adapter les pratiques professionnelles à la réalité opérationnelle. La direction des entreprises ayant l’intention de mettre en œuvre les pratiques de lean management devra également prendre en compte l’âge des managers et leur genre. Il est relevé que les managers plus jeunes et de sexe féminin expriment plus d’incompréhensions vis-à-vis des méthodes employées et manifestent un sentiment de mal-être au travail.

La prise en compte d’un équilibre entre les efforts et la récompense conduit à stimuler l’engagement par l’adoption du sentiment de participation dans l’œuvre commune. Cette approche mobilise l’ensemble des acteurs de l’organisation en favorisant le développement d’espaces de discussion. A l’inverse, les fortes exigences et la charge de travail, associées à l’insécurité de l’emploi, sont susceptibles de produire du stress et du burnout. Des mesures de soutien hiérarchique, d’entraide, de participation par exemple, peuvent aider les salariés et les collaborateurs à mieux cerner les attentes de la direction.

 

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