Réactualisation du genre par les styles, la vitalité du métier
Chaque métier a ses pratiques spécifiques, sa tenue vestimentaire, ses pratiques langagières, son vocabulaire technique, qui lui sont propres. Et c’est la notion du genre qui permet d’approcher le sens du métier. Le genre est en quelque sorte la partie sous-entendue de l’activité qui est commune à ceux qui la pratiquent et qui les réunit. C’est comme un mot de passe connu seulement de ceux qui appartiennent au même horizon social et professionnel. Le genre professionnel est un système ouvert composé de règles non écrites qui définissent, dans un milieu donné, l’usage des objets et l’échange professionnel entre les personnes. Dans l’optique de la clinique d’activité, qui est déterminante pour cet article, l’appropriation du genre permet au métier de s’inventer, de s’adapter sans cesse aux aléas et de poursuivre son développement.
Le genre professionnel est le résultat d’une construction collective. L’activité professionnelle commune est une œuvre des personnes qui ont leur passé et leur expérience individuelle. Le genre professionnel ne peut pas être transmis tel quel sans implication et apport personnels car il est le fruit du rapport au travail collectif et bien sûr de chaque individu faisant partie du collectif. Ce style personnel se caractérise par des différences de pratiques individuelles des professionnels, même s’ils travaillaient ensemble et sur les mêmes tâches. Il s’élabore, se perfectionne en rencontrant d’autres styles individuels ayant toujours comme référence le genre professionnel. Sinon, l’activité des professionnels oscille entre activités formelles et diverses formes de débrouillardise. Les employés sont confrontés à la nécessité de réguler seuls « clandestinement » ou même de cacher l’écart entre la pratique réelle et la prescription. Ce qui fait naitre des problèmes récurrents sur le plan opérationnel, des manquements à la sécurité et, bien entendu, impacte la santé physique et mentale des employés.
Sortir de ce champ qui se situe entre l’exécution de la prescription formelle et la transgression individuelle permet la création et le fonctionnement d’un cadre organisationnel qui prévoit l’échange, la comparaison, les débats, la participation active et créative des professionnels relative à l’élaboration et au développement de leurs pratiques du métier, ce qui maintient la vitalité du métier. Les styles ainsi développent le genre, l’action personnelle s’appuie sur la ressource collective au service de l’activité personnelle et réactualise le métier, sauvegarde la santé des employés qui élaborèrent des nouvelles façons de faire face aux inattendus pour élargir leur rayon d’action en fonction de circonstances toujours singulières.
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